Petite histoire de Saint-Priest-la-Prugne (Loire)
Même si la première mention, dans un texte écrit, d’un terme Sancto Priecto1 désignant cette localité ne date que de 1306 (début du 14e siècle), on peut affirmer que ce territoire a été occupé plus tôt, notamment grâce aux révélations de l’étude des pollens emprisonnés dans une des tourbières de l’Etui : première présence humaine au Néolithique puis à l’époque celte.
1. Lieu de passage
Cette implantation n’est pas due au hasard. Les Romains ont emprunté le passage entre les massifs montagneux des Bois Noirs à l’ouest et des Monts de la Madeleine à l’est pour relier Vichy et Feurs améliorant des voies déjà tracées à l’époque préhistorique. Bien plus tard, au 16e siècle, pendant les guerres de religion, les Ligueurs catholiques ont laissé leur nom au chemin de la Ligue, tronçon entre le Mayet-de-Montagne et le Moulin Saint-Priest.
Rattachée au diocèse de Lyon, la paroisse comptait, au Moyen Age, un prieuré dépendant de l’abbaye de Saint-Michel-de-la-Cluse (Piémont italien) puis du prieuré de Cunlhat (Auvergne). Dans la 2e moitié du 12esiècle fut érigée une église romane. La croisée du transept et les demi-berceaux des voûtes des deux croisillons du transept témoignent de son style auvergnat. Entre 1775 et 1777, elle fut agrandie au niveau du chœur et de la façade occidentale et surélevée en 1789.
2. Lieu de frontières
Limitrophe des provinces d’Auvergne à l’ouest et de Bourbonnais au nord, St-Priest dépendait de la province de Forez. A la fin du 17e siècle, les habitants eux-mêmes réclamèrent que soient précisées les limites de la paroisse pour une raison qui nous amène à évoquer un moment important de la vie de St-Priest : la contrebande du sel et sa répression par les « employés des Fermes2 du Roy ».
Le faux-saunage et les « gabelous »
Le sel était une denrée essentielle pour la cuisine et la conservation des denrées. Un impôt indirect, la gabelle, en renchérissait le prix. Cet impôt était très inégalitaire car la noblesse et le clergé en était exemptés. De plus son taux variait avec les régions. Les Bois Noirs se trouvaient juste à la limite de trois provinces aux taux de gabelle très différents : le Bourbonnais était soumis au régime de la Grande Gabelle entraînant un achat obligatoire au prix le plus cher ; en zone de Petite Gabelle, les habitants de Saint-Priest devaient acheter, en quantité libre, leur sel uniquement au grenier de Cervières (ou auprès d’un revendeur en petite quantité, le regratier) à un prix plus élevé que leurs voisins auvergnats qui s’étaient exemptés de gabelle en payant une très grosse somme au 16e s.
Il était donc tentant de se procurer du sel de Thiers auprès des « faux-sauniers », véritables contrebandiers qui traversaient les Bois Noirs. Ce trafic était durement réprimé par les « employés des Fermes du Roy », communément appelés « les gabelous » dont une brigade se trouvait à Saint-Just-en-Chevalet.
Au 18e siècle, la situation financière du royaume de France étant catastrophique, il fallait augmenter les recettes fiscales, notamment en améliorant le produit de la gabelle. Une sous-brigade était installée à St-Priest-la-Prugne comme en témoignent les archives et un bâtiment daté de 1755 : perquisitions, arrestations se multiplièrent. Mais parfois, habitants et douaniers finirent par sympathiser.
3. Histoire économique
Les activités économiques traditionnelles de St-Priest-la-Prugne étaient essentiellement représentées par deux domaines : l’agriculture vivrière et l’exploitation de la forêt.
On retrouve dans les archives nationales3 la trace de nombreux charrons de Calinon, village de St-Priest, qui vendaient leurs roues pour les affûts de canons lors des guerres d’Italie (fin du 15e siècle). Celles-ci étaient acheminées jusqu’à Roanne.
4. Les scieries
Grâce à leur altitude s’élevant jusqu’à 1287 m, les versants des Bois Noirs reçoivent une grande quantité de précipitations favorisant la croissance de la hêtraie-sapinière et l’écoulement de ruisseaux au débit intéressant : une situation idéale pour voir fleurir 41 scieries à eau dont une a fonctionné jusqu’en 1980. La force de la vapeur puis l’électricité ont permis de faire tourner une douzaine de scieries dans la 2e moitié du XXe siècle.
En 2013, les3 scieries restantes, très modernisées, employaient plus de 70 personnes et produisaient 2 000 000 de palettes à l’année.
5. Le chemin de fer à voie étroite
Au début du XXe siècle, la Compagnie des Chemins de Fer du Centre, venant de l’Allier, étend dans le nord de la Loire son réseau de voies ferrées. Le service fonctionne de 1912 à 1939, facilitant le transport du bois scié ou en grumes. Le développement des camions dans les années trente sonne le glas du trafic ferroviaire secondaire.
6. La mine d’uranium
Dans les années 50, la France lance son programme nucléaire militaire. Les prospecteurs du CEA arpentent le territoire national à la recherche de minerai d’uranium et, en 1952-53, le relief faillé en bordure des Bois Noirs affole les compteurs Geiger et une forte minéralisation en pechblende est confirmée. En 1954, un premier travers-banc est foré. Les filons se révèlent riches. Plusieurs puits dont deux principaux descendant jusqu’à 200 et 400 m et 11 kilomètres de galeries sur 10 niveaux sont creusés. Le minerai est traité sur place par la Société Industrielle des Minerais de l’Ouest. Les résidus de traitement sont stockés sous 2 m d’eau dans un bassin de décantation de 18 ha retenu par un barrage-poids de 1 Au bout de 25 ans, le gisement devient moins rentable. La mine ferme en 1980.
A cause des matières radioactives présentes et du barrage, le site nécessite une maintenance importante de la part de l’exploitant Orano et une vigilance exigeante de la part des associations de riverains.
1du nom de l’évêque de Clermont, Praejectus (625-676), plus connu sous le nom de saint Priest.
2Ferme désigne ici l’organisation de la perception des impôts indirects par les Fermiers généraux sous l’Ancien Régime.
3Témoignage de Paul Châtelain, ancien professeur à la Sorbonne.